NOTES

 

On ne sait comment a été construite cette liste. Elle mêle trois motifs de critiques: d'une part la valeur morale d'Homère, en particulier sa représentation des dieux, attaquée par les Pères de l'Eglise mais aussi par Cicéron, Platon et Plutarque; d'autre part des détails de langue, de vraisemblance ou d'exactitude visés par l'« école d'Alexandrie » dont le nom d'Aristarque est le symbole (mais c'est elle qui procura la première édition critique du texte), par Scaliger, à qui Bitaubé reproche, à plusieurs reprises, de « chicanner » Homère, par Denys d'Halicarnasse également quoique ses commentaires soient le plus souvent laudatifs; enfin la qualité poétique: le mot d'Horace -le bon Homère sommeille parfois- est resté proverbial.

Reste que Mme Dacier -principale source, avec Bitaubé, de la connaissance que Hugo a d'Homère-, écrit: « Ce qui sert le plus à l'intelligence d'Homère c'est tout ce qui est répandu dans les écrits des Anciens Philosophes & Rheteurs, comme de Platon, d'Aristote, de Denys d'Halicamasse, de Strabon, de Plutarque, de Demetrius Phalereus, de Longin, &c. Ces grands hommes n'ont pas commenté Homère entier, mais ils en ont expliqué beaucoup de passages...» (t. I, p. LXXVII) Il est vrai que Mme Dacier était engagée, contre Perrault, dans la « querelle d'Homère » qui double et prolonge la « querelle des Anciens et des Modernes » et à laquelle participent de près ou de loin à peu près tous les écrivains.

Pour le reste on a peine à croire que Hugo ait connu précisément les motifs de la présence des noms qu'il énumère:

Lucien, dans le livre II de l'Histoire véritable raconte ses entretiens, assez futiles, avec Homère rencontré aux Iles Fortunées sans que cela comporte la moindre critique à son égard.

Flavius Josèphe ne critique pas Homère mais, partisan d'une longue transmission orale des poèmes avant leur réunion et leur consignation par écrit, ne le tient pas pour l'auteur à proprement parler de l'Iliade et de l'Odysée.

Le Discours XI de Dion Chrysostome, qui développe l'idée que Troie n'a pas été prise et ne pouvait pas l'être, prend Homère en objet de satire, mais contraste violemment avec d'autres passages du même auteur; sa position envers Homère reste problématique.

Philostrate de Lemnos, si c'est bien de lui qu'il s'agit, ne se rattache à Homère que par ses Héroïques, réécriture d'épisodes homériques, mais dépourvue d'intention parodique ou critique.

On ne sait pas grand chose de Métrodore de Lampsaque l'Ancien (ne pas confondre avec Métrodore de Lampsaque le Jeune, ni avec Métrodore de Chio) sinon qu'il aurait été le premier à proposer une interprétation allégorique de la mythologie, les dieux d'Homère étant les figures des réalités de la nature.

La même lecture allégorique aurait été le fait de Pythagore et surtout des pythagoriciens parmi lesquels le Pseudo-Pythagore.

En revanche, Erasme n'a consacré aucun écrit à Homère même si quelques citations prouvent qu'il en avait connaissance; il en va presque de même de Pierre Bayle, tiède admirateur d'Homère dont le nom revient souvent dans le Dictionnaire, sans qu'un article lui soit consacré, et aussi de Saint-Evremond, partisan des « Modernes » mais s'inclinant devant Homère. Voltaire, en particulier dans l'Essai sur la poésie épique, adopte une position relativiste qui renverrait dos à dos admirateurs et détracteurs d'Homère si le sentiment du génie d'Homère ne l'emportait.